réalités en gynécologie-obstétrique # 161_Mars/Avril 2012
Résumé : Les lymphœdèmes secondaires des membres inférieurs et supérieurs sont les plus fréquents dans les pays occidentaux. Ils sont causés par le traitement chirurgical et radiothérapique des cancers. Ils sont encore insuffisamment diagnostiqués au stade initial, mal pris en charge et évoluent vers des stades ultimes entraînant complications, handicap et altération de la qualité de vie. Le traitement est dispensé par un réseau de thérapeutes spécialisés
dont le kinésithérapeute est l’acteur principal. Il comporte du drainage lymphatique manuel (DLM), suivi de bandages réducteurs au début, qui sont remplacés ensuite par une orthèse de compression. Il est complété par l’apprentissage d’autobandages, d’autodrainages et de mesures d’hygiène de vie afin d’éviter les complications infectieuses et les sources d’aggravation de la maladie et de rendre le patient le plus autonome
possible.
Les lymphœdèmes atteignent les membres supérieurs, les membres inférieurs [1] et/ou les organes génitaux. Ils sont soit primaires et font partie des maladies rares, soit secondaires aux traitements de cancers
et ce sont les plus fréquents.
Les lymphœdèmes secondaires [2] touchent :
– le membre supérieur (incidence de 15 à 28 % après un curage axillaire et 2,5 à 8 % après la
technique du ganglion sentinelle) ;
– le membre inférieur après cancer de l’utérus, de l’ovaire, des organes géni- taux externes, du
côlon et du rectum,
ou de la vessie (leur incidence est moins bien connue et varie de 1 à 49 % avec un délai de survenue court de 4 à 7 mois). Ces lymphœdèmes secondaires sont plus souvent accompagnés d’atteintes des organes
génitaux externes que les primaires, avec
présence de vésicules lymphatiques pourvoyeuses de lymphorrhées et de complications infectieuses. D’autres causes de lymphœdèmes secondaires du membre inférieur sont l’insuffisance veineuse chronique, l’obésité et la filariose.
Prise en charge du lymphœdème
Elle comporte trois éléments : le diagnostic, le bilan et les traitements.
1. Le diagnostic
Il est essentiellement clinique
mais, dans certains cas, il est nécessaire de faire une lymphoscintigraphie isotopique et une IRM. Après diagnostic, souvent fait tardivement en raison de la méconnaissance de la pathologie, il faut orienter rapidement le patient vers un réseau de thérapeutes spécialisés comportant des
médecins généralistes et spécialistes, des kinésithérapeutes, des infirmières, des ergothérapeutes, des pharmaciens et orthésistes, des pédicures podologues, des laboratoires et industriels de la compression ainsi que des associations de patients.
2. Le bilan
Il sera fait par
le médecin et le kinésithérapeute spécialisés pour en définir le stade, les éventuelles complications, les affections associées, les problèmes fonctionnels et les déficiences présentés
par le patient avec leurs incidences au quotidien. L’évolution naturelle du lymphœdème se fait en trois stades selon la dernière classification proposée par l’ISL [3]:
– stade I : augmentation de volume s’at- ténuant à
la
surélévation du membre ;
– stade II : l’élévation ne réduit plus le
volume et l’œdème est toujours dépressible. Il se produit des
modifications cutanées à
type de fibrose (signe
de Stemmer) et d’engraissement ;
– stade III : éléphantiasis avec disparition du caractère dépressible de l’œdème, apparition de troubles trophiques cutanés (papillomes, vésicules) et unguéaux.
L’interrogatoire reprend l’histoire de la maladie, l’extension du lymphœdème au cours du temps, les antécédents médicaux, chirurgicaux et
les
complications. Il recherche des facteurs de risque :
surpoids, sédentarité, mauvaise hygiène, et évalue la qualité de vie.
L’examen clinique est complet. L’inspection note la
localisation de l’œdème et son extension sur le membre, la couleur cutanée,
l’augmentation des sillons transverses à
l’avant-pied, la présence d’une hyperkératose, de papillomatose et vésicules, de signes
de surinfection cutanée, de
mycoses, d’ongles incarnés, d’anomalies des ongles, de télangiectasies, de varices. La
palpation permet d’apprécier la température cutanée
et la texture de l’œdème :
mou
prenant le godet, induré, élastique, engraissé, ou fibreux avec présence du signe de Stemmer. Il sera fait des mensurations
centimétriques, volumétriques et photographiques comparatives. Le bilan morphologique apprécie les amplitudes articulaires, la force musculaire, le déficit sensitif et fonctionnel.
Le lymphœdème est une maladie chronique, il est nécessaire d’écouter le patient, de l’informer sur sa maladie et les objectifs du traitement de façon à adapter celui-ci en fonction du degré de sévérité clinique mais aussi de ce qu’il souhaite, de son état psychologique, car il est nécessaire d’obtenir son adhésion et sa coopération pour un traitement contraignant.
3. Le traitement
Il fait appel principalement à la physiothérapie décongestive complexe [4-8] qui associe DLM et contention/compression. Elle est réalisée par un kinésithérapeute bien formé aux diverses techniques à
côté du traitement médical
des complications. L’ordonnance pour le kinésithérapeute sera formulée ainsi: prise en charge d’un lymphœdème du membre… Il n’est pas nécessaire de spécifier le quantitatif et le qualitatif de l’acte, c’est au kinésithérapeute de définir son programme et de l’adresser avec le bilan au médecin prescripteur.
Le but du traitement est de réduire l’œdème, d’empêcher l’évolution vers un
éléphantiasis et les complications (infection, neuropathie, surcharge articulaire, artériopathie, cancérisation…). Il est adapté en fonction du stade.
l Lymphœdème
débutant
Une orthèse de jour adaptée sera prescrite d’emblée et assortie de conseils d’hygiène. Elle sera contrôlée tous les 6 mois.
En cas d’échappement thérapeutique : le rôle du kinésithérapeute est important afin de réaliser un DLM par semaine, d’initier le patient aux autobandages, de consolider les mesures de prévention du membre.
l Lymphœdème
de stade II
Les DLM seront plus réguliers, à raison de 1 à 3 par semaine avec pose de bandages réducteurs. Après réduction de l’œdème, l’orthèse définitive sera adaptée. Les contrôles sont
plus fréquents, tous les 2-3 mois jusqu’à la stabilisation.
l Lymphœdème
de stade III
Il nécessite une prise en charge intensive, soit en ambulatoire par un kinésithérapeute libéral
bien formé à ces techniques, soit
par un
service spécialisé
selon un protocole thérapeutique précis qui comporte deux étapes :
>>> La phase
initiale dite intensive, destinée à réduire le volume du lymphœdème (quelle
que soit sa localisation : membre, sein, parties génitales) grâce à l’association de soins de peau, de prévention des
mycoses, de DLM, de bandages réducteurs, peu ou pas du tout élastiques, multicouches, gardés
24 heures sur 24 et d’exercices sous bandages. Cette phase nécessite 5 jours
par semaine pendant
1 à 6 semaines. En fin de réduction maximale de
l’œdème, l’orthèse de
compression définitive sera
mise en place. Au membre inférieur, la compression peut être très forte, jusqu’à la classe 8 par superposition de deux bas. Au cours de cette période, les complications cutanées, ulcérations, hyperkératoses et mycoses sont traitées. En
cas de papillomatose invalidante, une préparation à
la chirurgie de résection est effectuée. L’apprentissage des autodrainages et autobandages est effectué. Il est donné aussi des mesures d’hygiène de
vie ainsi qu’une sensibilisation à la nécessité d’une prise en charge de l’obésité et à la reprise d’une activité physique adaptée.
>>> La phase d’entretien vise à maintenir le volume réduit,
voire à poursuivre la réduction volumétrique grâce à une orthèse de compression portée
régulièrement le
jour, l’application des règles d’hygiène de vie et d’auto-soins, en particulier la réalisation de bandages peu élastiques multicouches pour la nuit ou le port d’une orthèse Mobiderm et des DLM à une fréquence moindre.
La surveillance médicale de ces patients doit se faire tous les deux à trois mois jusqu’à obtenir une stabilité de leur
œdème. Il convient de renouveler aussi souvent que nécessaire les
orthèses de compression pour qu’elles restent efficaces. Si les mesures standard ne permettent pas d’appareiller les patients, ce qui est
le cas dans la grande majorité des gros lymphœdèmes, celles-ci doivent être faites par des pharmaciens formés aux prises de mesures.
exemples de prescription d’orthèses sur mesure :
– Pour
le membre supérieur
droit : sur mesure, un manchon de force 3, avec antiglisse,
plus mitaine
et pouce attenants.
– Pour le membre inférieur gauche : sur mesure, un bas
cuisse antiglisse, pied fermé,
de force
3, à superposer avec un
hémicollant shorty
pied ouvert de force 4.
L’éducation thérapeutique permet au patient d’acquérir progressivement un mode de vie adapté pour éviter les complications, diagnostiquer un lymphœdème et apprendre à s’autogérer autant que possible.
Une association de patients, AVML [9], contribue à cette démarche éducative.
Elle apporte un soutien moral et pratique, en abordant tous les problèmes de la vie quotidienne, elle organise, sous
le contrôle de kinésithérapeutes, des
ateliers d’autobandages et d’autodrainages, pendant lesquels sont aussi dispensés
des éléments nécessaires à
la connaissance et à la compréhension de leur
pathologie et des conseils d’hygiène de vie.
Il n’y a pas à ce jour de traitement médical du lymphœdème proprement dit, mais celui des complications infectieuses et mycosiques. Les infections (érysipèles ou dermo-hypodermites)
sont fréquentes, dans environ
20 % des cas, et nécessitent impérativement une antibiothérapie systémique à mettre en place de façon
urgente, à forte
dose et de durée supérieure ou
égale à deux semaines [10]. Les mycoses interdigitales
ou des plis sont
les facteurs favorisants de ces infections et nécessitent une
hygiène rigoureuse et une
prévention adaptée.
Le traitement chirurgical
est proposé pour la résection d’excédent cutané après une bonne réduction de
l’œdème par physiothérapie et des
papillomatoses et vésicules situées sur les organes génitaux externes et des orteils car elles sont
génératrices de surinfections. Cette chirurgie, symptomatique, est un outil supplémentaire dans la stratégie thérapeutique et améliore la qualité de vie, mais nécessite la poursuite des traitements habituels
(contention/compression) [11].
[ Conclusion
La prise en
charge des lymphœdèmes primaires et
secondaires, quelle que soit leur localisation, doit
être précoce pour éviter l’évolution vers les stades les plus graves
et éviter les complications. Elle fait essentiellement appel à
la physiothérapie décongestive réalisée par un kinésithérapeute spécialisé selon un protocole précis et adapté à chaque cas [12]. Le patient est au centre d’un réseau d’intervenants qui le guident, l’accompagnent pour le rendre plus autonome et ainsi améliorer sa qualité de vie.
M. Chardon-Bras1, M. Coupe2
1 Kinésithérapeute, Cadre de Santé, MONTPELLIER.
2 Médecin Vasculaire, CHU, MONTPELLIER.
Bibliographie
1. Coupe M. Les lymphœdèmes des membres inférieurs. LMV, 2011 ; 14 : 26-35.
2. Vignes S. Lymphœdèmes secondaires des membres. Presse Med, 2010, doi : 10.1016/j. lpm.06.023
3. Classification des lymphœdèmes par l’ISL.
Lymphology, 2001 ; 34 : 84.
4. Badger C, preston n, seers K et al. Physical therapies for reducing and
controlling lymphoedema of the limbs. Cochrane
Database
Syst Rev, 2004 ; 18 ; 4 : CD003141.
5. Lymphedema Framework.
Best practice for the management of lymphoedema. Interna- tional consensus. London : MEP Ltd ; 2006.
6. The diagnosis and
treatment of peripheral lymphedema. 2009
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7. Chardon-Bras M, Coupe M, soulier-sotto V et al. Prise en charge d’un lymphœdème, du bras après néoplasie traitée et apprentissage des autobandages. In : Cancer du sein Traité et médecine de rééducation. Elsevier Mas- son, 2007 ; 52 : 91-102.
8. Chardon-Bras M,
Coupe M. La compres- sion dans le lymphœdèmes. Nouvelles approches. Kinésithérapie Scientifique,
2009 ; 504 : 47-50.
9. AVML : Association de patients Vivre mieux le lymphœdème (loi 1901). Siège
: Service de Médecine Interne et de Maladies Vascu- laires, Hôpital Saint-Eloi, Montpellier. Tél. :
06 71 74 57 54. Email : avml@free.fr
10. Prise
en charge des érysipèles et fasciites nécrosantes. Conférence
de consensus. Ann Dermatol Venereol,
2000 ; 127 : 336-407.
11. Vignes s, Boursier V, treVidiC p. Intérêt de la résection cutanée
après réduction volumé- trique par physiothérapie décongestive des lymphœdèmes primitifs
volumineux des membres inférieurs. J Mal Vasc, 2005 ; 30 :
181-185.
12. La compression médicale dans le traitement du lymphœdème. HAS décembre 2010.
L'article complet avec les figures
Réalités en gynécologie-obstétrique # 161_Mars/Avril 2012
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